Ça a commencé un dimanche…
Non, soyons précis, ce fut un jeudi, sur le marché ! J’entends encore l’Homme me dire « On m’a demandé si tu voulais être sur une liste pour les élections ». Je le regarde avec des yeux de merlan frit, ma baguette de pain à la main.
L’idée de participer activement à la vie de ma petite ville n’a jamais pénétré mon cerveau et à cet instant là… On est plus proche de l’electro-encéphalogramme plat que de l’excitation intellectuelle !
Je demande à l’Homme… Mais tu sais qui c’est, toi, la tête de liste?…
Ouaip, je me rappelle la première fois que je l’ai vue, pfff ça fait un bail ! C’était un soir, elle sortait du local de campagne. Nous, avec Igor, on buvait du rhum devant la poste.
Double révélation, la tête de liste est une femme et ça, ça me parle ! Deuxième point : l’Homme (en mode adolescent) boit des coups avec ses amis assis sur un muret la nuit ?!!
Les heures passant, et ayant cette conviction que « dans la vie tout n’est pas que hasards » … Je me dis que cette proposition est à envisager.
Bon ok, c’est bien beau tout ça… S’engager pourquoi pas, mais pour quelles idées ? Me voilà donc un dimanche… Trois personnes alignées sur mon canapé, moi sur le fauteuil, le Grand sur les genoux et ne pas trop savoir que dire. Bonjour ?! C’est déjà un début. Nous parlons, l’échange est sympathique. Comme toujours je fais confiance à mon instinct. Allez, je me lance dans l’aventure !
Le lendemain réunion plénière, je découvre d’autres personnes de « LA LISTE ». Je ne sais pas ce que je fais là… Mon engagement citoyen, ce que je répète, c’est que je suis pour la politique du quotidien, l’engagement dans les actes, dans les choix que l’on fait.
J’ai une tendresse profonde pour Pierre Rabhi, avec l’Homme nous partageons ces valeurs humanistes et écologiques. Nous n’achetons des choses neuves que si la filière « seconde main » ne peut pas répondre à notre demande, nous jardinons, nous trions nos déchets, nous faisons attention aux choix des produits que nous utilisons pour respecter la Terre et les hommes, nous faisons « marcher » les commerces de proximité, les artisans, nos vêtements et chaussures neuves sont fabriquées en Europe, nous soutenons des causes et nous prônons la bienveillance et les échanges : mettre un peu « d’humain » dans cette société de consommation. Vous le voyez… c’est déjà un programme à part entière!
Après cette réunion et une bonne nuit de sommeil : je suis en rétro-pédalage complet. Pas l’impression d’avoir ma place dans ce drôle de truc. J’appelle la tête de liste… Je lui fait part de mon ressenti et de mes doutes. Ses propos se veulent rassurants et puis je me dis que ce ne doit pas être simple de « recruter » pour constituer un groupe paritaire. Alors, oui, ce matin là, je décide de rester dans l’aventure parce qu’Elle est une femme, parce que je suis féministe sur les bords et que cela me semble important… À aucun moment, je ne pense pouvoir être utile.
Et puis, il y a eu une autre réunion, un groupe de travail. J’y ai vu : des yeux bleus, des yeux verts, des yeux noisette, des yeux grands ouverts, des yeux plissés, des yeux cachés derrière des verres, des yeux pétillants…
J’y ai vu une multitude de regards et d’opinions et j’ai ressenti, enfin, cette sensation, apaisante, que toutes ces énergies pouvaient construire quelque chose.
J’ai fait comme j’ai pu, j’ai participé à quelques réunions, j’ai donné mes idées, j’ai écouté, beaucoup appris aussi. J’ai découvert un « autre monde dans le Monde ». J’ai mis des tracts dans des boîtes aux lettres et j’ai rencontré des gens.
LA LISTE, derrière ces mots des personnes d’horizons différents. Vous m’avez surpris, vous m’avez intéressée, vous m’avez fait sourire et parfois bouillonner, vous m’avez accompagnée dans cette nouvelle aventure, vous avez partagé vos expériences, vos idées et nous avons partagé des apéros… C’est aussi ça la politique !
Dimanche 15 mars 2020, sans appel, les urnes élisent le maire sortant… Au premier tour.
Je ne suis pas triste, ce serait laisser à un homme et son équipe le pouvoir d’éteindre cette lumière si particulière qui m’habite. Je suis déçue, déçue que nous n’ayons pas réussi à convaincre un électorat plus large, de ne pas avoir pu développer ce programme, « notre » programme… J’ai mis mes chaussures jaunes, je garde le sourire, j’ai rencontré de belles personnes, bien plus qu’une liste.