Grossesse

Accoucher, deuxième expérience..

C’était un samedi. Je me suis réveillée de la sieste avec un tiraillement dans le creux des côtes et une évidence, mon bébé allait naître. Mon corps avait déjà ressenti en lui ce petit frémissement, cette petite secousse avant le tremblement de terre de la naissance.

Il est 16h45, je lance une application dédiée au suivi des contractions. Rapidement elles s’installent à un rythme régulier.

Je préviens l’Homme, notre Grand fait encore la sieste après une matinée à jouer avec papy et mamie. Je suis sereine, le moment est idéal et j’ai confiance pour la suite.

Nous finissons le sac pour la maternité. Je prends une douche et je mange un morceau. J’écris une carte pour notre garçon, que ses grands parents pourront lui lire et qui gardera la trace de notre pensée pour lui en ce jour particulier. J’appréhende cette séparation, ce grand changement. Je le regarde dormir, boucles blondes sur les joues. Les hasards sont parfois étonnants, Achille choisit cet instant pour se réveiller et nous demander un gros câlin tous les trois.

Les contractions sont régulières et bien marquées, je donne le change. Je profite de ce moment de douceur, de tendresse. Nous expliquons à notre garçon que nous allons partir pour la maternité car nous pensons que son frère a décidé de naître cette nuit.

Dans la voiture, Texas nous accompagne, c’est doux et rythmé, le jour tombe et de l’autoroute, l’horizon teinté d’orangé nous offre un splendide coucher de soleil. C’est sûr tout va bien se passer.

Nous voilà à la maternité du CHU, nous attendons dans le sas des urgences obstétriques… mais il faut aller faire les étiquettes. Tranquillement sac sur l’épaule et la démarche nonchalante nous allons aux admissions, le hall est désert, les contractions me coupent le souffle mais au dessus de moi une toile de spiderman me regarde. Je pense à Achille à la maison. J’ai hâte et un peu peur de tout. Je regarde l’Homme, je l’aime. Il boit un café et nous retournons au sas. Une aide soignante nous accueille il est 19h. Nous lui parlons de notre projet naissance pendant qu’elle installe le monitoring… Qui n’a plus ses sangles pour maintenir les capteurs. Elle nous dit que le changement d’équipe va bientôt se faire… Nous lui disons que l’on peut attendre pour le premier point l’arrivée de l’équipe de nuit. Oui, oui, on sonne s’il y a besoin.

J’ai du mal à rester allongée, j’ai besoin d’être accroupie pendant les fortes contractions. Nous envoyons quelques messages, nous discutons. Le temps passe et viennent se présenter sage femme et étudiante.

Elles m’examinent, le col est ouvert, à 3 cm. C’est bon, on va pouvoir passer côté salles d’accouchements mais il faut un monitoring de 20 minutes non stop. C’est reparti pour le jeu : maintien tes capteurs pendant les contractions ! Elles me demandent si j’ai envie de prendre un bain après l’enregistrement. Oh oui, l’idée me tente bien. Elles vont commencer à le faire couler. J’ai hâte.

Trente minutes après nous découvrons la salle de bain et sa baignoire. Notre petit Loup ne naîtra pas dans la même pièce que son frère quelques années auparavant. Nous rencontrons la sage femme, et l’étudiante qui vont nous accompagner tout au long de la nuit. J’explique que les contractions sont fortes. A vrai dire, je ne me sens pas très bien. Je m’assieds sur les toilettes et me remotive comme je peux. J’ai l’impression de transpirer de l’huile. Cet accouchement est tellement différent du premier. Je doute de moi, je me dis « C’est tellement intense, je ne sais pas comment je vais tenir ». Pour la première fois, je doute de mes capacités à accoucher sans péridurale face à la vivacité de la douleur qui m’assaille. Je m’allonge sur le flanc,  je discute avec bébé, je l’accompagne à chaque contraction, je lui répète que je suis là pour l’aider dans son chemin de naissance. La sage femme revient nous apporter des serviettes. Elle me dit avec beaucoup de douceur que je gère super bien. « Allez, on vous laisse tranquille. On revient dans 3H00. N’hésitez pas à sonner ».

Je me déshabille et glisse dans l’eau chaude, il est 21H00. Je suis dans ma bulle, avec bébé, je m’encourage, je l’encourage. Je regarde l’horloge face à moi, je sais que chaque minute à son importance, qu’il ne faut rien lâcher et en même temps je m’entends geindre comme si j’avais quitté mon enveloppe corporelle.

L’Homme est à côté de moi, il respecte mon besoin de rester hyper-connectée à mon moi intérieur, à notre enfant. Et puis j’ai mal, je lui dit que je n’y arriverais pas sans péridurale. Il me regarde sans trop y croire, il connaît ma détermination dans les choses que j’entreprends et ses yeux sont pleins d’interrogation. Je ferme les yeux, la douleur est là, intense. Je sens le temps s’arrêter un instant, l’Homme me dit « Je pense qu’il faut appeler la sage femme ». Je n’ai pas envie, je suis sonnée, cela fait seulement 40 minutes que nous sommes arrivés dans cette petite salle.

Il tire la sonnette, l’étudiante arrive. J’ai quitté mon corps, je suis dans un ailleurs cotonneux. J’entends l’Homme dire : Je connais ma femme, il y a un truc là. Elle propose de m’examiner. Je sors de ma bulle, je me reconnecte tant bien que mal, entre deux contractions elle me fait un toucher vaginal. Je suis ailleurs. J’entends « je vais chercher la sage femme. Elle est à dilatation complète ». Mon cerveau tourne au ralenti. L’homme me racontera après coup avoir vu l’angoisse traverser le visage de l’étudiante.

Il est 21h45, les revoilà, la sage femme explique qu’il faut que je sorte de l’eau. Comme quelques années plus tôt, on me soutient, on m’aide, on me supporte pour faire ces quelques enjambées. L’étudiante pousse un fauteuil « asseyez-vous ».

Je les regarde comme une poule face à un couteau. Comment s’asseoir ? Je leur explique que je ne PEUX pas m’asseoir. Les contractions sont vives. Je répète en boucle que je ne peux pas m’asseoir… Je les entends expliquer que pour aller dans l’autre salle, je dois être assise dans le fauteuil. Je propose de me tenir au dossier, à genoux sur l’assise. Elles sont perplexes… La sécurité… Une nouvelle contraction intense me plie en deux. L’Homme dit, allez on y va, je la tiens moi! Devant tant de certitude et les minutes qui passent elles acceptent. Je me cramponne au fauteuil vert.

Je suis nue, à quatre pattes sur un fauteuil, on me jette un drap dessus, je relève la tête. Ils me poussent vite, je sens l’air sur mon visage, mon corps humide. La sensation est extraordinairement agréable. Le tableau doit être épique. Je sens bien qu’ils courent, je sens bien que tout va vite. Nous sommes dans la salle d’accouchement… Et il faut descendre du fauteuil. Ne souriez pas, c’est un vrai challenge !

Je pose la jambe droite au sol, quelques secondes après la jambe gauche, je sens une boule entre mes jambes. Je m’accroupis en disant « Il arrive, il est là ». Mes mains touchent cette boule qui explose, aspergeant mon corps et le sol. La poche des eaux vient de céder. La sage femme me dit Faites comme vous le sentez, je peux l’accueillir comme ça si vous voulez, il faut juste vous redresser que je passe mes mains.

Je me relève, un pas en avant, je veux être à quatre pattes. C’est d’une intensité folle, je suis dans un autre monde.

Je ne sais pas comment je suis arrivée jusque sur une sorte de lit. Je lance mes lunettes, je tremble. J’essaye de pousser mais je ne suis pas bien. Je roule sur le dos. Mon corps tremble, je ne peux pas maîtriser les mouvements de ma tête. Je pousse, je crie, deux fois, je touche ses cheveux, je pousse deux fois. Je n’ai pas peur. Je crie, bébé est là.

Son regard est d’une intensité sans borne. L’Homme ne pleure pas, il est sonné. Je suis comme lui, encore sous le choc d’un tel exploit, d’une telle intensité, d’une telle rapidité.

Notre bébé Bonheur est là, il est 22h28.

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