Allaitement, Couple

Milk, Sex and Fun !

Noisettes, poires, pastèques, melons, raisins… Il y a tant de mots pour vous surnommer ! Nous avons fait connaissance il y a quelques années… À l’adolescence, je vous ai espérés, je vous ai cherchés et jeune adulte, je vous ai adoptés ! Aujourd’hui, quelques dizaines de centimètres sous le regard, vous voici gonflés de lait. Que de sensations, que de découvertes !

Allaitement et sexualité ?

Je souris car j’ai toujours la sensation que dans cette question se cache une peur… Comme si l’allaitement était un obstacle aux retrouvailles charnelles après une naissance. Mais j’aime aussi votre curiosité. Alors comment vous parler, à vous, lecteurs ?

Je ne peux pas faire de généralités à partir de ma seule expérience, de mon vécu, dans mon corps de femme et dans l’intimité de mon couple. Je ne peux pas savoir comment vous allez vivre cette période si particulière qu’est un allaitement. Chacun, chacune a ses besoins, ses attentes, ses envies et ses désirs. Malgré tout, et en toute simplicité, j’ai envie de vous raconter un petit bout de moi, de nous, de notre histoire.

À 25 ans, mes seins, petites pommes rebondissantes, vivaient leur vie librement. Ils avaient la fermeté de ma jeunesse et je me sentais terriblement sexy, « no-bra[1]» avant la tendance !

Enceinte, ils ont pris un volume que je n’aurais pu imaginer. J’ai eu besoin de les maintenir, de les contenir comme une plante envahissante. L’homme appréciait ces courbes nouvelles, et moi j’étais déroutée par cette explosion de chair. Ils étaient sensibles, tendus… « No pasaran »[2] ! Voilà ce que criaient les veines dilatées de mon encombrante poitrine.

Et puis Bébé est arrivé. À peine posé contre mon corps qu’il fouissait, cherchait déjà ce mamelon sombre. Dégoulinants de colostrum, dans sa petite bouche, j’ai regardé mes seins comme jamais je ne l’avais fait auparavant. Ils étaient miens et tout offerts à ce petit être qui venait de naître. C’était naturel, c’était « comme ça ». Mon corps, mes zones érogènes ne m’appartenaient plus vraiment.

Mais au-delà de l’allaitement, la naissance, la maternité m’avaient propulsée sur un coin de terre que je ne connaissais pas. Mon corps avait changé, mon être cherchait un nouvel équilibre, le temps prenait une autre dimension…

 

Allaiter ? La fin de ma sexualité ?

J’avais du désir pour l’Homme et, nous qui nous connaissions depuis dix ans, faisions l’amour comme aux premières fois. J’étais « moi » comme quelques mois auparavant et pourtant, ce « moi » n’était plus la même personne.

Mon corps répondait différemment, mes envies étaient autres. Je cherchais ce « comme avant » qui ne revenait pas. Je pris peur, coincée sur mon île de jeune maman. J’étais prise par la fatigue, celle des premiers mois de vie de mon enfant, celle dont on ne vous parle pas et qui vous impacte, qui vous écrabouille. J’étais envahie par des émotions nouvelles, je cherchais à prendre mes repères, mes marques dans ces nouveaux rôles. Et cela n’était pas la conséquence de mon allaitement, mais bien l’apanage de la maternité.

Faire l’amour, tendre vers ce moment de partage, cette relation si intense qui relie nos corps et nos cœurs fut compliqué. Au début tout du moins, parce que mon corps était déjà à disposition d’un tout petit à longueur de journée et de nuit. Cette disponibilité sans faille me donnait envie, quand du temps se profilait à l’horizon, de profiter de moments rien qu’à moi. Je n’avais pas envie d’être sollicitée par l’Homme, je n’avais pas envie de l’entreprendre.

J’étais bien avec mon tout-petit, dans une bulle douce et confortable. Et, en toute honnêteté, les premiers temps, mon envie, mon attention étaient centrées sur mon bébé. Je veillais à ses besoins essentiels, notre proximité corporelle m’apportait un sentiment délicieux. Nous avions fait le choix de cododoter et c’était un pur bonheur.

La chimie nous laisse à penser que c’est dans l’ordre des choses. La prolactine, une hormone sécrétée pour déclencher l’allaitement, a un effet inhibiteur sur le désir sexuel. Elle « favorise aussi des comportements de maternage chez de nombreux mammifères, que ce soit avant ou après la naissance »1. Et je me suis laissée bercer par ce rythme de la vie, sans rien chercher à contrôler.

 

Nénés chéris…

L’Homme, prévenant et doux à mes côtés, partageait cette conviction que ce que nous vivions n’aurait qu’un temps. Il regardait notre enfant téter avec un amour sans bornes et il a adoré caresser ces volumes nourriciers. Nous avons surfé sur la fatigue, nous avons fait comme nous avons pu et puis… et puis l’enfant grandit. Nous nous sommes calé des rendez-vous sensuels, nous avons bousculé nos habitudes. La sexualité est bien plus qu’un acte sexuel !

Nous avons retrouvé notre équilibre, un autre enfant est arrivé… et nous avons joué de nouvelles gammes.

J’ai allaité enceinte, j’ai co-allaité, j’ai eu d’intenses désirs, des périodes de calme absolu, des orgasmes fulgurants. Avec l’Homme, nous avons parlé de tout et de rien, nous avons partagé nos envies, nous nous sommes « chauffés » par SMS, nous avons découvert de nouveaux aspects de la sexualité, nous nous sommes fait des petits cadeaux (je vous conseille tout particulièrement le livre de Jüne Plã : Jouissance Club, une cartographie du plaisir2), nous avons ri de mes giclées de lait, nous avons accepté de ne plus rien connaître, nous nous sommes redécouverts.

Si les chiffres vous rassurent, dites-vous que « Dans une étude sur 1 000 mères new-yorkaises, 30 % disaient que les relations sexuelles avec leur mari s’étaient améliorées avec l’allaitement, et seulement 2,5 % faisaient état d’une dégradation (et toutes étaient des femmes qui avaient des difficultés sexuelles préexistantes). »2.

Pour le reste, faites-vous confiance. Vous entendrez le pire et son contraire, vous aurez des psys qui assassineront l’allaitement sur l’autel de leur misogynie et des mamans qui vous raconteront des anecdotes croustillantes. L’allaitement se trouvera peut-être sur votre chemin ; votre sexualité vous appartient, faites-en ce qui vous ressemble, ce qui vous fait vibrer. Écoutez-vous, amusez-vous.

De mon côté, cela fait sept ans que j’allaite. Noisettes, poires, pastèques, melons, raisins… j’ai connu tous les volumes ! Mes joyeux fruits ont été palpés, regardés, goûtés, dégustés…

Les fruits, c’est sûr, c’est bon pour la santé !

 

1 Les Dossiers de l’Allaitement n° 62 de La Leche League : « Le point sur la prolactine ». Disponible en ligne : https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/dossiers-de-l-allaitement/1424-da-62-le-point-sur-la-prolactine

2 Jouissance Club, Une cartographie du plaisir, Jüne Plã, Éditions Marabout (2020).

3 Allaiter Aujourd’hui n° 77, La Leche League : « Allaitement et vie de couple ».

[1] « sans soutif » : mouvement consistant à ne pas porter de soutien-gorge.

[2] « Ils ne passeront pas » en espagnol. Ce slogan politique, utilisé lors de la guerre civile espagnole, est souvent associé à Dolores Ibarruri et aux troupes anti-franquistes.

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