Nous marchons côte à côte. Tu es là près de moi et je ne sais pas si je dois m’en réjouir. Tu m’oublies puis tu me sautes dessus avec une énergie dévorante.
En quelques secondes, tu peux envahir mon horizon, me faire frémir ou trembler, m’étonner ou me faire pleurer. Tu me mets à genou face à la faïence des toilettes, hauts le cœur et goût de bile.
J’ai longtemps cru que tu étais mon ennemie, et j’ai couru, couru bien plus vite que toi. Aujourd’hui je cours moins vite, je prends mon temps.
Oui j’ai peur, de petites choses insignifiantes comme d’événements terribles.
Ma peur, tu es un loup, sauvage, intrépide, imprévisible. Je pensais que nous marchions côte à côte ; mais maintenant je sais que nous marchons ensemble.
Cet été, je t’ai découvert de plus près, d’une proximité qui te bouffe les tripes et l’âme. Tu as empli ma tête et vidé mon corps.
En quelques mots, prononcés par d’autres, tu m’as sauté à la gorge, tu m’as mis par terre, tu m’as mis face à moi-même. Tu m’as fait me poser plein de questions, tu m’as fait ressentir mes besoins les plus essentiels.
Ma peur, mon loup, en me poussant dans mes retranchements, du côté de ce qui m’est absolument vital, tu m’as changée.
Dans mes insomnies, dans les bruits de la nuit, j’ai cru mourir. Mourir vraiment, mourir de tristesse, mourir de tout ; comme un point final à cette existence qui semblait vaciller.
Face à mon assiette, estomac fermé, j’ai vu mon corps se battre, résister. J’ai pensé tout perdre, j’ai eu peur pour eux, pour moi, je les ai regardé avec toute l’intensité que la vie peut y mettre. J’ai imprimé ces images en moi, j’ai partagé vos rires, j’ai fait semblant aussi.
Je repensais à ces mots, à l’incertitude de nos existences, à tout ce qui se joue en permanence, à la quiétude des moments partagés avec ceux que l’on aime.
Ma peur, mon loup, j’ai réalisé que tu es un fidèle compagnon. Nous marchons ensemble parce que tu es là pour me protéger.
Tu étais là quand je suis née, tu étais là quand j’ai touché le fond de la piscine, tu étais là dans les journées sans lui, tu étais là pour la naissance de mes enfants, tu étais là à l’enterrement, tu étais là dans le cabinet du médecin, tu étais là pour moi.
Ma peur, je te regarde et je sais que tu peux me faire mal, je sais aussi qu’il y a en moi et autour de moi des ressources, des petites roulettes pour continuer à avancer quand je perds l’équilibre.
Tu n’es pas une ennemie, mais une alliée. Tu as permis à nos ancêtres de survivre, sûrement. Je ne te donne pas les pleins pouvoirs, tu es là, je le sais, je le vois, je le sens. Tu bouscules mon fonctionnement quand il ne faudrait pas et tu sais t’enflammer pour peu de choses.
J’apprends à respirer différemment, cela ne te plait pas toujours quand je reprends le dessus. Je bataille quand tu veux me faire tomber. Je te regarde dans les yeux, je viens creuser tes origines. Je ne te laisse pas tranquille, cat je te dois de savoir chaque fois, un peu plus qui je suis.
L’été est passé sans que je ne le vois, j’ai bataillé pour rester à flots. J’ai tremblé, sursauté, pleuré sans chavirer.
L’automne s’installe et les mains contre ma tasse de thé, je regarde les oiseaux voler, savourant la liberté.
La lumière a changé et moi aussi.
Ma peur, mon loup, tu n’es pas loin de moi. Je t’imagine, animal, indompté et indomptable couché sur mon canapé.
La place est chaude et confortable ; en moi aussi.
Cet été, j’ai beaucoup appris.
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