Aujourd’hui nous sommes dimanche.
En famille, nous partons de bon matin faire un tour de brocante à quelques encablures de la maison. Il fait beau, l’air est doux, il n’y a pas trop de monde. Et puis une voiture s’arrête, quelqu’un sort tirer des sous au distributeur. C’est un utilitaire et deux boules de poils sont à l’arrière.
Achille me dit : Maman regarde, il y a le copain d’Yquem (le nom de notre golden).
Moi : Ah oui, ce chien est de la même race.
Lui : Non maman, dit au Monsieur que c’est le copain d’Yquem !! Il s’est enfui. Je sens que l’émotion monte en lui… Ok… Je me baisse, je veux essayer de comprendre … et puis un « flash », une idée…
Moi : Tu crois que c’est le deuxième chien que nous avions à la maison ?
Lui : Oui !!! Maman, c’est le copain d’Yquem. L’énervement est palpable et s’il le pouvait il me dirait sûrement « tu ne comprends rien là, fais un effort » ! Avec l’Homme, on se regarde, oui là un dimanche matin dans la rue il va bien falloir dire quelque chose…
Moi : Tu sais ce chien, il s’appelait Baucis. (lui content de voir sa mère connectée…) Et Baucis elle est morte…
Lui : Mais papa… il a dit qu’elle était partie !
[…]
Moi : On a mal dit les choses, Baucis elle est morte.
Lui : Elle est où maintenant ?
Moi : Dans la terre, chez papy et mamie.
Lui : Moi je veux voir la terre…
Moi : Nous irons la voir quand nous serons chez papy et mamie.
Lui : Maintenant dans la terre c’est un squelette ? (j’acquiesce) Et sa peau blanche elle est où ?
Avec l’Homme, on ne fait pas les malins sur notre bout de trottoir. J’aime à penser qu’après la mort nous devenons particules dans l’univers et qu’il y aura un peu de nous partout. C’est ça que je lui dis… Il regarde autour de lui … Il nous demande : Elle peut être là ?
Moi : Oui si tu veux Achille
Lui : Non maman, regarde là ! Son petit doigt de presque quatre ans pointe le ciel, et dans le ciel des nuages… Maman, sa peau blanche elle est un peu là.
Je n’ai jamais regardé les nuages comme ce matin là, à 9H30.
J’étais de ceux qui pensaient « la mort j’en parlerai quand on y sera confronté »… Je n’y avais pas vraiment réfléchi… dans le fond, ce n’était pas tabou mais plutôt mis de côté, classé « sujet sensible ».
Quand nous avons perdu notre chien, il y a deux ans Achille ne s’y est pas attardé. Nous avons surfé sur cette vague, nous n’avons pas élaboré autour de cela.
Et aujourd’hui, je repense aux mots de Françoise Dolto et à l’illusion dans laquelle nous nous plongeons parfois quand nous nous disons que nos enfants ne peuvent pas entendre / comprendre. Ce n’est pas une histoire d’âge mais une histoire de mots… Parce que cela peut nous embarrasser nous parents, parce que pour moi la douleur de la perte de mon animal était trop vive… Je me suis dit : « je ne veux pas le faire souffrir ».
A bien y réfléchir, c’est surtout moi que je ne voulais pas faire souffrir, j’imaginais ou tentais d’imaginer la réaction qu’il aurait eu du haut de ses deux ans, mais c’est avec mon cerveau d’adulte que je le pensais.
Nous essayons d’épargner les enfants en les éloignant d’une question existentielle : LA question du temps qui passe, de notre finitude et de la mort…
J’en parlais avec mon amie Anna, et je reprends ici ses mots :
On dérobe la mort aux enfants pour les protéger, donc on nie le truc qui obsède l’humanité, entre le temps qui passe et la mort, c’est quand même ce qui a fait naître les religions, l’art, la philosophie…
Finalement, nous nous retrouvons à parler de la mort quand elle surgit, quand elle survient, avec la peine qui nous habite à cet instant là.
Notre enfant fait donc la rencontre en même temps du concept de la mort et de la douleur de la perte (d’un être cher la plupart du temps). Ces deux notions peuvent pourtant être dissociées. Du moins, je le crois.
C’est peut être cela que l’on devrait transmettre à nos enfants, avec des mots simples, avec notre sincérité. Leur dire que nous sommes de passage et puis laisser de la place à « nos » morts. Ces personnes que l’on aime, que l’on garde au fond de nos cœurs mais qui ne sont plus là. J’ai vu le film d’animation Coco et j’aime cette idée d’avoir un petit espace avec les photos de nos chers disparus, pour qu’ils soient dans la vie, dans notre vie et pour symboliser que même une fois morts une trace de nous reste, comme une présence…
Accepter sa finitude n’est ce pas s’offrir la possibilité de savourer vraiment la vie ?
Des idées pour parler de la mort avec les enfants : Dessin animé Coco, le livre « Si on parlait de la mort » de Catherine Dolto et le livre « Parler de la mort » de Françoise Dolto.